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Le foulard pochette, un coquet carré

L’objet vient de l’Antiquité, comme bien des accessoires contemporains. Il faut cependant attendre le XVIIIe siècle, et Louis XVI, pour que le foulard pochette prenne peu ou prou la forme (et le nom) qu’on lui connaît aujourd’hui. Soit un carré, de soie, plié de différentes manières suivant les goûts et les modes, et glissé dans la poche d’une veste, le plus souvent au niveau de la poitrine. Esthétique avant tout, la pochette devient l’accessoire ultime des gentlemen au XIXe siècle, lors de l’avènement du costume moderne.
En réalité, il est moins futile qu’il n’y paraît et dit beaucoup de celui qui le porte. La mode ne se contente pas d’habiller les corps ; elle raconte, elle signifie, elle impose. « Le vêtement ne sert plus à recouvrir, à couvrir ou à parer, mais à signifier », explique Roland Barthes dans son célèbre Système de la mode (1967). Arborer un foulard pochette, c’est non seulement indiquer à celles et ceux que l’on croise que l’on porte une attention particulière au détail, mais aussi que l’on est le maître de son allure.
C’est d’ailleurs souvent pour cette raison qu’il est, dans la littérature, le fétiche des élégants et autres dandys. Parmi eux, Frantz de Galais, l’un des protagonistes du Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier (1913) ; Lord Henry Wotton, le mentor de Dorian Gray dans le roman d’Oscar Wilde (1890) ; ou encore Jay Gatsby, millionnaire décadent toujours tiré à quatre épingles croqué par F. Scott Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique (1925).
Le petit et le grand écran ne sont d’ailleurs pas en reste, des espions britanniques de la saga Kingsman (2014), sanglés dans de distingués trois-pièces façonnés à Savile Row, à Don Draper, publicitaire cynique et héros de la série Mad Men (2007), en costume gris et pochette blanche.
On pourrait alors estimer la pochette symbole d’un monde révolu, celui des dîners mondains et d’une élégance masculine un peu passée. Pourtant, elle pourrait presque devenir le symbole d’une certaine résistance stylistique. Alors que les archétypes de la virilité, du cow-boy au worker, occupent de nouveau le devant de la scène de la mode masculine, choisir de porter une pochette à son veston permet aussi de s’affirmer, à contre-courant des tendances et schémas imposés. Echapper aux contraintes de la société en cultivant sa singularité, c’est d’ailleurs ce que recommandait le médecin et philosophe français Henri Laborit dans son essai, L’Eloge de la fuite (1981).
Margaux Krehl
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